
Au-delà de la bataille habituelle autour des chiffres - 600.000 logements insalubres côté fondation Abbé-Pierre, 400.000 côté gouvernement - existe une réalité que le drame de Marseille est venu rappeler. L’habitat indigne est un fait préoccupant en France, a largement admis le ministre chargé de la Ville et du Logement, présent depuis le début de la journée consacrée à la présentation du 24e rapport annuel sur le mal-logement (dont une partie était centrée sur les sorties d’institutions - lire notre article de ce jour) de la fondation Abbé-Pierre, à La Défense, ce vendredi 1er février 2019.
Julien Denormandie s’est plié à l’exercice délicat des questions-réponses face à plus de deux mille personnes. Une présence saluée par Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé-Pierre. "Au fond, nous sommes d’accord sur la logique du plan quinquennal du Logement d’abord. Nous partageons des constats : l’habitat indigne provoque des maladies, va jusqu'à tuer des personnes", a-t-il poursuivi. Toute la question, selon lui, relève de "l’ambition et des moyens qui vont être consacrés à ce problème" (voir également ci-dessous notre interview de Christophe Robert).
Si le ministre a évoqué le chiffre de 70.000 personnes sorties de la rue - un chiffre méconnu de la fondation -, il n’a pas vraiment répondu à la question des moyens alloués. Relancé également à plusieurs reprises par son interlocuteur, Julien Denormandie a évité de répondre à la question de la réinstauration de l’APL accession supprimée par la loi de finances pour 2018. "Un grand gâchis", a regretté Christophe Robert qui, pour autant, a perçu plusieurs mains tendues par le gouvernement.
"Guerre sans relâche" contre les marchands de sommeil
"Nous avons fait en sorte que l’Anah puisse directement financer les travaux d’urgence" et six départements sont très prioritaires, a ajouté le ministre. Après avoir fustigé l’insalubrité, "véritable fléau pour les enfants", le ministre s’en est pris aux marchands de sommeil contre lesquels il promet de mener "une guerre sans relâche", citant les sombres affaires de Pierrefitte et de Marx Dormoy. "Dans chaque département, le PDLHI, le pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne, que j’ai plutôt envie d’appeler 'plan' ou 'projet' départemental de lutte contre l’habitat indigne, va devoir fixer des objectifs avant le 30 mars 2019. Car l’habitat indigne, ce n’est pas que les métropoles, ce sont aussi les villes moyennes et les coeurs de villes qui se déprécient", a-t-il souligné. "Les pôles, on les connaît, mais le problème c’est l’insuffisance de l’intervention des acteurs y compris des acteurs de l’Etat", a réagi Christophe Robert. Réponse de Julien Denormandie : “Je vous donne rendez-vous en avril et nous verrons si les programmes fixés sont assez ambitieux”.
"Reste à charge" versus "'APL accession"
"Je me souviens du Président de la République promettant de rénover les sept millions de passoires thermiques en dix ans", a pour sa part rappelé le délégué de la fondation. "J’avais fixé pour objectif à l’Anah la rénovation de 105.000 logements rénovés en 2018. Il y en a eu 98.000." L’objectif n’est pas atteint, reconnaît le ministre, "mais c’est 18% de plus qu’en 2017", a-t-il souligné. "Pour l’Anah, ce n’est pas un problème de financement mais plutôt de barrières à lever quand il s’agit de rénovation thermique des bâtiments. Comment fait-on pour que le 'reste à charge' soit le plus bas possible ?", s'est interrogé Julien Denormandie, ne manquant pas d'évoquer la récente initiative gouvernementale et la prime pour la conversation des chaudières à fioul. Et Christophe Robert de lancer : "Vous avez supprimé l’APL d’accession, rétablissez-la mais ne nous parlez pas du reste à charge !"
Une ambition portée à 60.000 logements réhabilités par an
Julien Denormandie a encore évoqué le chèque énergie dont le montant, rappelle-t-il, est passé de 150 en 2018 à 200 euros en 2019. "Trois millions de personnes sont éligibles mais en 2018, 15% des personnes éligibles ne l'ont toujours pas demandé, soit 560.000 personnes", regrette-t-il. Concernant le financement des travaux des "fameuses passoires énergétiques", il dénombre jusqu'à huit aides : "Comment, avec tous ces dispositifs, arrive-t-on à être efficace ?". Et le ministre de mentionner une étude selon laquelle "si toutes les passoires énergétiques devaient être supprimées, c’est plus de la moitié du parc du logement privé qui devrait fermer." Christophe Robert a préféré quant à lui "donner un signal à tous les propriétaires, qu’il existe une norme à laquelle tous vont devoir se plier progressivement", norme qui "va permettre d’aller dans le sens du progrès".
En guise de conclusion, le délégué général a réaffirmé qu'"on peut réussir le Logement d’abord. C’est un levier. Mais si on continue comme ça sans moyens alloués à la politique, l'objectif ne pourra être atteint." Reste à savoir si l'objectif ambitieux de 60.000 logements par an réhabilités par l’Anah au titre de l’habitat indigne pourra être approché de près ou de loin.
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