
Sur le projet de loi Engagement et proximité, les deux assemblées ne sont manifestement pas sur la même longueur d'ondes. Le mois dernier, le Sénat avait étoffé considérablement le projet de texte, portant le nombre de ses articles de 28 à plus de 120. Mais, mercredi et jeudi derniers, la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui a examiné la réforme en première lecture, a passé à la trappe une grande quantité de ces dispositions.
Au chapitre des compétences, les députés ont opéré un retour quasi systématique au projet de loi initial qui visait à donner un peu de souplesse aux communes, mais sans revenir sur l'équilibre issu de la loi "Notr" d'août 2015. "Une demande forte s'exprime chez les élus locaux, c'est celle de la stabilité", a estimé le rapporteur (LREM), Bruno Questel, la veille du début de l'examen par la commission.
Les députés ont balayé d'un revers de manche toutes les dispositions allégeant les compétences de l'intercommunalité au profit des communes. Exit, donc, le transfert à la carte des compétences facultatives aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et la fin des compétences optionnelles pour les communautés de communes et d'agglomération. Le rétablissement de l’intérêt communautaire de la compétence en matière de zones d’activité économique n'a pas non plus trouvé grâce aux yeux des députés. Ni la faculté donnée aux communes classées en station de tourisme faisant partie des communautés urbaines et des métropoles, de conserver ou retrouver une compétence en matière de promotion du tourisme. De même, les députés n'ont pas validé la fin du transfert obligatoire à l'intercommunalité des compétences en matière d'eau et d'assainissement. Ils ont préféré revenir au dispositif proposé par le gouvernement, en lui portant des modifications à la marge (voir notre article dédié dans l'édition de ce jour). Les possibilités de délégations de tout ou partie des compétences des EPCI à fiscalité propre vers les départements ou les régions n'ont pas non plus été vues d'un bon œil par les hôtes du Palais Bourbon. Mais ces derniers ont précisé les modalités de détermination de l'intérêt communautaire sur les compétences locales : celle-ci "sera effectuée par une majorité de membres présents représentant une majorité de communes membres de l'EPCI".
Obligation d'instituer une conférence des maires
De manière plus générale, les députés ont refusé que l'intercommunalité soit affaiblie, par exemple par une réduction de la place de ses représentants au sein de la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI). La commission des lois a maintenu les équilibres actuels (40% de représentants des EPCI, à égalité avec les communes).
S'agissant des périmètres, elle n'a pas cautionné la remise en cause de l'objectif légal de réduction du nombre de syndicats lors de l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI).
Concernant les questions de gouvernance, les députés ont là encore, pour l'essentiel, opéré un retour à la "case départ". Au scrutin de liste pour l'élection des vice-présidents du bureau du conseil communautaire, ils ont préféré l'actuel scrutin uninominal, que les sénateurs ont pourtant jugé être à l'origine d'"opérations longues et fastidieuses". Ils ont aussi considéré comme anticonstitutionnel le dispositif assouplissant les modalités de l'accord local sur la composition du conseil communautaire.
En revanche, les députés ont conservé l'obligation, inscrite par le Sénat, de créer une conférence des maires, sauf lorsque le bureau de l'EPCI à fiscalité propre comprend déjà l’ensemble des maires des communes membres. Ils ont par ailleurs autorisé l’organisation de conseils communautaires par téléconférence dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération.
Sans toucher aux mesures décidées par le Sénat pour améliorer la parité dans les conseils communautaires, les députés ont abaissé de 1.000 à 500 habitants le seuil conditionnant l’élection des conseillers municipaux au scrutin de liste paritaire (voir notre article du 7 novembre 2019). L'accès des femmes aux assemblées locales sera favorisé par cette mesure qui n'entrera en vigueur qu'en 2026.
Crise des vocations
Sur les assouplissements dans le domaine des élections municipales, la commission des lois a fait un tri. Elle a donné son feu vert à la dérogation permettant aux conseils municipaux des communes de moins de 500 habitants de fonctionner avec un nombre un peu inférieur à celui qui est prévu par le code général des collectivités territoriales. Mais la commission a passé à la trappe la disposition qui, durant tout le mandat, n'imposait une élection partielle que si le conseil municipal a perdu le dixième de ses membres. Elle a par ailleurs jugé "inopportune" la disposition permettant aux candidats aux élections municipales dans les communes de moins de 3.500 habitants d'être libres de définir librement leur nuance politique dans le fichier des élus et des candidats et notamment la nuance "sans étiquette".
Au chapitre des pouvoirs de police du maire, la commission des lois a validé les précisions empêchant que les maires n'infligent une amende de 500 euros à un sans-abri installé sur la voie publique ou le domaine public. Elle a par ailleurs introduit plusieurs nouveautés, dont la faculté pour le maire d'"interdire sans délai la location d’un logement manifestement insalubre, indigne, ou dangereux".
La conférence de dialogue placée auprès du préfet, visant à simplifier les normes et à faciliter les compromis sur l'élaboration des documents d'urbanisme, n'a pas séduit la Chambre Basse. "L'innovation chère au Sénat relève davantage du projet de loi '3D' (décentralisation, différenciation, déconcentration)", a jugé le rapporteur, tandis que le groupe Modem a estimé qu'elle est "redondante" avec des instances existantes. Lot de consolation pour les sénateurs : leurs collègues n'ont pas touché aux dispositions fixant le cadre juridique des médiateurs territoriaux, que les collectivités territoriales peuvent instituer pour favoriser le règlement amiable des différends.
Mais, à la différence de la Chambre haute, la commission des lois de l'Assemblée nationale n'a pas jugé souhaitable de rendre les conseils de développement facultatifs pour tous les EPCI à fiscalité propre. Elle a rehaussé de 20.000 (seuil actuel) à 50.000 habitants la limite à partir de laquelle la création de ces instances de concertation avec la société civile est obligatoire.
Protéger les élus locaux
Au chapitre des conditions d'exercice des mandats locaux, la commission des lois s'est démarquée du Sénat, notamment sur la formation des élus locaux. Avec le gouvernement, elle a considéré qu'il n'est pas raisonnable financièrement d’étendre l'obligation de formation obligatoire au cours de la première année du mandat aux élus ayant délégation de toutes les communes (au lieu de 3.500 habitants et plus actuellement). Les députés ont, par ailleurs, créé de nouveaux droits en faveur des élus locaux. L'exercice d'un mandat local ne pourra pas justifier une mesure de licenciement, de sanctions, ou de mutations de la part des entreprises. En outre, au début du mandat, l'élu pourra demander un entretien avec son employeur. Si elles le souhaitent, les deux parties concluront un accord "visant à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle [du salarié] et ses fonctions électives".
Sur les indemnités de fonctions, la commission des lois a supprimé la majoration de l'indemnité des maires en cas de cessation totale ou partielle d'activité (introduite au Sénat). Elle a aussi prévu que l'indemnité de fonction du maire est "de droit, fixée par rapport au barème de référence", mais que le conseil municipal pourra fixer par délibération "une indemnité de fonction inférieure à ce barème".
La discussion du projet de loi dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale débutera lundi 18 novembre, la veille de l'ouverture du congrès annuel des maires de France, qui se tiendra à Paris.
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